« Notes de ma cabane dans les monts » Antoine Marcel

« Habiter la terre en poète, habiter un monde dans lequel pouvoir vivre en fidélité à soi-même, à ce que l’on possède de plus précieux »
Le coup de coeur de Solange Kergoat

J’ai lu ce livre à la suite du « Livre du rien », 11 poèmes de Sosan sur l’essence du Zen commentés par Osho.

Dans son ouvrage, Antoine Marcel relate son installation avec sa famille, comment il en est venu là, au fond d’une gorge retirée, loin de l’agitation du monde. Dans ce lieu règne une profonde solitude et un grand silence.

Plus influencé par Walt Whitman, Kenneth White ou Kerouac que par David Thoreau, même s’il s’en inspire, il est aussi nourri par la lecture des Lettrés chinois tel que Wangwei qui toute sa vie a tenté de vivre poétiquement dans le monde et au-delà du monde en même temps. Tous font partie de sa filiation invisible.

Sans rejeter quelques avantages de la vie sociale actuelle, il n’en a pas moins une intention profonde : « un retour au silence autant de l’environnement que de l’esprit ».

Kenneth White lui souffle : « Ce que tu cherches c’est un monde ».

Qu’est-ce qu’un monde ?

Pour Antoine Marcel « c’est un endroit où l’on pourrait vivre en accord avec ce qui nous entoure ». A la vaine agitation du monde de la temporalité, l’auteur oppose sa « géopoétique », une poétique de l’espace encore empruntée à Kenneth White.

« Habiter la terre en poète, habiter un monde dans lequel pouvoir vivre en fidélité à soi-même, à ce que l’on possède de plus précieux ».

Peu à peu, il nous livre ses réflexions sur les connexions, les résonances entre ses lectures, sa longue pratique du zen auprès de Dôgen et ses activités quotidiennes liées à la terre.

Là où autrefois il expérimentait, il agit désormais en connaisseur. Cette dimension silencieuse perçue avec intelligence dans sa pratique du zen persiste au-delà de l’assise.

Dôgen rappelait que « se connaître soi-même, c’est s’oublier ».

Lorsque le moi consent à se taire, que ce soit dans l’absorption en coupant du bois ou en portant de l’eau, cela fait sens.

De lectures essentielles, de pratique zen en voyage de par le monde, d’expériences accumulées, un autre sens de la vie a émergé, c’est tout naturellement que cela s’exprime ici : « La vie dans les monts, solitaire, invite à cultiver la noblesse d’âme près des forêts de sapins, sachant pertinemment que rien ne me sera donné de plus que cette transparence de l’air, cette odeur de résine, cette poésie vitale ».

Ce qui m’a attiré dans ce livre, après la lecture des poèmes de Sosan, c’est l’expression d’une incarnation quotidienne de cette philosophie ancestrale. Bien sûr il reste un homme faillible, sensible, parfois content de lui. C’est un livre sur l’engagement dans ce qui est essentiel.