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TitreAuteur(rice)Date
Yoga et flûteFabienne Biboud-Engler10/3/2024
Le jeu du Souffle et de la flûteEleanor Dawson1/2/2024

Yoga et flûte.

Fabienne Biboud-Engler, professeure IFY

Fabienne Biboud a longtemps oeuvré au sein de notre association, notamment en réalisant de belles interviews publiées dans Regard.

Texte de Fabienne Biboud, professeure IFY, qui a longtemps oeuvré au sein de notre association, notamment en réalisant de belles interviews publiées dans Regard.

J’ai commencé à jouer de la flûte traversière à l’âge de 7 ans et j’ai longtemps entretenu une relation douloureuse avec cet instrument à vent, oscillant entre le désir de laisser tomber un apprentissage qui me paraissait trop difficile et la volonté de faire plaisir à mon père qui voulait que je sois flûtiste.

Dès le début j’ai donc assimilé la pratique musicale à une sorte de « sport de combat », à quelque chose d’intensément physique où la musique tenait finalement peu de place. Je me rêvais pianiste, débarrassée de la nécessité de fabriquer un son avec mon corps, alors qu’il suffisait d’appuyer sur une touche pour que…le la soit là !

Des années plus tard, à l’âge adulte, j’ai découvert le yoga, m’apercevant, par la même occasion, que je ne savais pas respirer.

Je me souviens des premières séances : allongée sur le tapis, j’apprenais ce qu’était la respiration consciente et complète. Je découvrais des parties de mon corps sclérosées, ignorées, qui soudainement se mettaient à vivre… une renaissance… une révélation !

La formation à l’enseignement du yoga, que j’ai suivie avec François et Josselyne Lorin, mettait en avant nos dispositions créatives. C’est à cette occasion que je me suis réconciliée avec le fait de jouer. Cela restait difficile, par moments, malgré tout.

Mais il y a dans le souffle un mystère que je ne cherchais pas à approfondir.

Paradoxalement, je n’ai pas immédiatement fait le lien entre le yoga et ma pratique de musicienne.

Et puis un jour… cela s’est fait, cela s’est installé, consciemment ; comment dire… une fluidité.

Moins de force, plus de débit.

Dans l’inspir et dans l’expir qui fait le son ; avec le souffle comme support. Comme chaleur. Comme ondulation.

Une toile de parapente gonflée dans le ciel. Je jouais comme si je volais.

Il y a quelque chose d’extrêmement joyeux et vivant dans le fait de passer de l’effort au plaisir. En transformant mon rapport au souffle, le yoga a transformé mon rapport à la musique.

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Le jeu du Souffle et de la flûte

Retrouver l’innocence, c’est s’ouvrir vers le plus profond : le souffle et la flûte qui jouent en liberté, à partir d’un support de plus en plus enraciné, une musique qui peut toucher partout.

Eleanor Dawson (www.rasayogasound.com)

Eleanor est musicienne de talent et professeur de yoga. Anglaise, elle vit et travaille en Irlande, et vient souvent en France.

J’ai eu de la chance. Depuis l’âge de cinq ans j’ai joué de la flûte et, même si ce n’était pas conscient en moi, j’ai été en un contact direct avec l’essentiel en moi. Comme petite fille, jouer de la flûte était une mise en jeu du corps, souffle, esprit et la vibration du son. Instinctivement je me suis penchée vers la sensation de bien-être expérimentée en jouant ; j’y ai trouvé une joie profonde et j’étais consciente que le jeu du souffle et de la flûte exprimait une magie spéciale hors mots. Sans le savoir, en jouant, j’ai vécu en yoga.

Plus tard, flûtiste professionnelle et enseignante, j’ai travaillé de plus en plus consciemment avec le souffle pour cultiver une technique précise et pour « jardiner » des phrases musicales. Je savais « maîtriser » mais il m’était de plus en plus difficile d’accéder à la relation innocente de mon enfance : les études strictes de l’enseignement de musique classique avaient créé des nœuds au niveau du mental qui devenaient barrière à la liberté ressentie comme jeune fille.

La pratique du yoga m’a conduite à une connaissance plus subtile du souffle, qui ne correspondait pas à cette maîtrise acquise de flûtiste professionnelle. J’ai alors commencé un processus de lâcher prise – sans perdre le support des techniques nécessaires – pour donner l’espace à une liberté du son.

Peter Hersnack m’a aidée à trouver ces nouveaux supports pour faire émerger cette relation innocente dans un espace donné par le recul. J’ai contacté une source intérieure pour une nouvelle musique spontanée, improvisée, « inspirée » par cette source.

Le yoga enseigne par une pratique de « toucher » et « être touché » à négocier la relation entre deux espaces : l’intérieur privé, notre jardin secret, le locus pour notre vie personnelle ; l’extérieur, l’espace où nous « pratiquons » un partage avec le monde, un espace souvent expérimenté comme espace de peur, voire de menace. Comment se défaire du personnage d’artiste de spectacle qui implique cette relation toxique ?

Le souffle est un « entre deux », entre ces espaces intérieur et extérieur. Le yoga nous enseigne à vivre cette relation délicate, en créant la possibilité pour Prāna, le souffle de vie, de circuler librement. Une expiration profonde peut dénouer les blocages ; une inspiration sans stress peut devenir un support libre pour le son.

La musique offre une proximité à l’essentiel en nous par l’écoute. Ecouter et articuler sans ajouter plus que vraiment nécessaire ouvre une communication libre sans peur.

« L’instrument » du corps humain joue avec « l’instrument flûte », les deux ensemble avec le souffle comme lien entre l’essentiel et le monde. Le souffle donne vie à la vibration : manifestation de la vie en nous et en toute création.

Le matériel de la flûte – en bois ou en argent – donne des possibilités de « sculpter » le timbre du son avec le souffle pour une palette de sons riche et diverse.

Il faut un support profond pour une communication claire, un support du souffle au niveau du plancher pelvien qui invite le diaphragme à danser librement sans écraser le souffle qui vibre à l’extérieur.

La flûte traversière permet de sentir le « toucher-être touché » du souffle au niveau des lèvres. C’est une relation vivante, avec de continuels changements d’intensité nécessaire pour produire des notes différentes, des nuances de volume et de sonorité. Jouer devient très tactile, vivant à tous niveaux.

La langue joue avec la palette pour une articulation précise, : la « percussion » de l’articulation toujours en relation libre avec le passage du souffle. Langue, palette et souffle comme « trio–support » pour la danse du son.

Retrouver l’innocence, c’est s’ouvrir vers le plus profond : le souffle et la flûte qui jouent en liberté, à partir d’un support de plus en plus enraciné, une musique qui peut toucher partout.

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