TitreAuteur.riceRubriqueDate
Profondeur de la connaissance expérimentale de l’être humain par les yogisC. ChaputMédecine30/3/2024
Réparer le corps humain. Une quête vers l’immortalité?B. KleinMédecine30/3/2024
Le microbiote, cet ami essentiel à notre survie et pour communiquer avec notre environnementB. KleinMédecine2/02/2024

Pourquoi des Regards sur la Science sur le site ifym.fr?
B. KleinGénéral
Quand nos cerveaux se mettent sur la même longueur d’ondeB. KleinNeurosciences29/12/2023
Sommes nous seuls dans l’Univers?B.Klein.Univers16/11/2023
Une autre voie d’exploration de l’espritC. ChaputNeurosciences12/11/2023

Les ancêtres de l’espèce humaine ont-ils failli disparaître il y a 900000 ans, du fait de contraintes climatiques ?
B. KleinEvolution17/10/2023

Profondeur de la connaissance expérimentale de l’être humain par les yogis

Christine Chaput, professeure IFY

Il arrive souvent que des yogis en Inde rapportent des histoires de légendaires yogis qui auraient vécu 200 ans, 600 ans ou “sans âge’” et certains disent que nous sommes faits pour vivre 130 ans.

Les yogis ont remarqué depuis des temps immémoriaux les effets des nettoyages internes qui ont été consignés dans la pratique des shatkarma, les 6 actions (de nettoyage), pour avoir corps, souffle, énergie et mental dans leurs fonctionnements optimaux, donc une longévité accrue. Ceci dans le but de profiter d’une vie assez longue pour bénéficier d’une réalisation dans cette vie (afin de ne pas revenir souffrir dans ce monde là).

Les shatkarma sont aussi utilisés pour équilibrer les 3 dosha, ou humeurs du corps, kapha, eau, pita, feu, et vata, vent, comme en ayurvéda, puisqu’un déséquilibre de ces dosha peut-être source de maladie, et la maladie est un des obstacles sur le chemin spirituel.

Ces shatkarma ne devraient être ni enseignés, ni pratiqués sans la présence d’un maître.

Le célèbre yogi Swami Satyananda Saraswati a cependant consacré 38 pages de son livre “Asana Pranayama Mudra Bandha” à ce sujet, assorti de recommandations précises sur les pratiques et les bénéfices, comme l’ensemble de l’ouvrage d’ailleurs.

Dans le hatha yoga, le but de ces nettoyages est de créer l’harmonie entre les 2 flux d’énergie ida et pingala afin d’atteindre une purification et une harmonie physique et mentale, les toxines étant considérées comme obstacle au bon fonctionnement.

Ces shatkarma sont 6 groupes de nettoyage, chaque groupe comportant différentes pratiques.

Ces shatkarma sont neti, dhauti, nauli, basti, et les 2 les plus connus et pratiqués en occident, kapalabhati et trataka.

Neti, qui purifie le passage nasal de l’air et du prana est décliné en jala neti (nettoyage par passage d’eau salée tempérée d’une narine à l’autre, et qui nécessite l’apprentissage des techniques de séchage des narines sans mouchage), et en sutra neti (passage d’un fil en caoutchouc d’une narine à la bouche ou d’une narine à l’autre afin d’ouvrir le passage au souffle).

Dhauti est le groupe le plus élaboré avec 3 sous-groupes, comportant les nettoyages internes, nettoyage de la tête et de la cage thoracique.

Le groupe des nettoyages internes inclut shankhaprakshalana, le nettoyage complet du tube digestif de la bouche à l’anus avec de l’eau salée tempérée, avec 3 autres pratiques, agnisara, nettoyage par l’activation du feu digestif par action musculaire, kunjal, nettoyage de l’estomac avec de l’eau et vatsara dhauti, nettoyage des intestins par de l’air avalé par soi-même.

Nauli est une méthode de massage et de renforcement des organes abdominaux par un mouvement de rotation des muscles abdominaux.

Basti est une pratique de lavage et tonification du gros intestin.

Quant à kapalabhati, qui comporte aussi 3 pratiques distinctes, elle est destinée à nettoyer la partie frontale du cerveau.

En ce qui concerne le 6ème shatkarma, Trataka, la concentration du regard sur une bougie, il est le lien entre hatha yoga et raja yoga, conduisant à de hauts états de conscience.

Afin de mieux faire prendre conscience aux lecteurs.trices de la profondeur de la connaissance expérimentale de l’être humain des yogis, je vais maintenant développer shankhaprakshalana, une des pratiques de dhauti, car son importance se relie aux récentes découvertes scientifiques sur le rôle élargi des intestins dans notre santé globale, et le soin que nous pourrions leur accorder (voir un article publié par notre association).

Sankhaprakshalana, se pratique en ashram, dans un environnement sécurisé, sous un oeil averti, et nécessite une préparation alimentaire allégée la veille de la pratique. Cela consiste en l’absorption progressive, verre par verre, d’eau salée tempérée (plusieurs litres au total) accompagnée de la pratique d’une séquence de 5 asana dynamiques, répétées 8 fois, qui vont favoriser la circulation de l’eau étape par étape dans le tractus digestif et activer le péristaltisme. Cette séquence est répétée après chaque absorption et entre chaque évacuation du contenu intestinal jusqu’à ce que l’eau évacuée contienne très peu de résidus. S’en suit un repos absolu allongé, de 45 mn sans dormir, suivi par une réalimentation immédiate avec khichari, un met onctueux et très nutritif.

Un naturopathe indien compare, alors, la peau nettoyée de l’intestin à la fragilité de celle d’un nouveau né, dont il faut prendre grand soin. Un nouveau film de mucus se forme rapidement tout au long du tractus digestif et des précautions alimentaires non agressives sont indispensables quelques jours à quelques semaines en fonction de la sensibilité de chacun, pour protéger le mucus et favoriser la colonisation intestinale par les nombreuses bonnes bactéries.

Cette pratique peut s’envisager à chaque changement de saison ou au moins 2 fois par an.

Il existe aussi une version courte de cette pratique avec seulement 2 litres d’eau pour un nettoyage plus léger, et encore vaman dhauti pour nettoyer l’estomac par vomissements. 

Des ajustements alimentaires sont très courants chez les yogis mais aussi chez les personnes concernées par leur santé, alignés sur le calendrier lunaire. Ces temps sont nommés kalpa, transformation, et consistent en monodiète pour quelques jours, par exemple que des produits laitiers, que des fruits…, afin de stimuler la régénérescence cellulaire.

La science des yogis ne nous arrive en occident que de manière très parcellaire, mais cette science expérimentale, subtile et millénaire mériterait un rapprochement avec la science moderne au bénéfice de tous.

Les yogis ne s’y intéressent guère car pour eux c’est une évidence, ils n’ont besoin d’aucune validation supplémentaire, les lignées de yogis ont fait le travail!

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Réparer le corps humain. Une quête vers l’immortalité?

Bernard Klein, mail :

Je me souviens d’un stage de yoga en 2012 avec François et Josselyne Lorin au Maroc. François évoquait une certitude, nous sommes tous mortels ou pour reprendre une assertion classique, tout être humain est atteint d’une maladie mortelle, la vie.

Je mentionnais alors les récents travaux remarquables1 de l’équipe Japonaise du Pr Yamanaka montrant que les cellules d’un individu adulte pouvaient être reprogrammées en cellules souches identiques à celles présentes aux premiers jours de la vie d’un embryon. Cellules souches capables de générer toutes les cellules, tissus et organes d’un individu : sang, intestin, peau, foie, os, cartilage, cerveau, cellules sexuelles, etc… Voir «Pour aller plus loin… » ci-dessous.

S’est enclenchée une discussion sur l’intérêt de réparer un corps vieillissant, dans une planète bien surpeuplée, discussion philosophique ouverte.

En résumé, ces chercheurs ont trouvé une clef permettant d’ouvrir une serrure cachée présente dans nos cellules qui enclenche leur reprogrammation en cellules souches de type embryonnaire. Fait remarquable, cette clef est simple par rapport à la complexité d’un corps humain. Ces cellules reprogrammées sont capables de prolifération illimitée, se divisant en deux cellules filles identiques à elles mêmes, pendant des années dans des boîtes de culture en laboratoire. En changeant les conditions de culture, elles peuvent générer chacun des 220 types cellulaires constituant les tissus et organes de notre corps. Pour cette raison, elles sont appelées cellules souches pluripotentes. Du fait de la simplicité de cette clef de reprogrammation, ces travaux ont été rapidement confirmés et amplifiés par un grand nombre d’équipes mondiales, en particulier en améliorant la clef ouvrant cette serrure cachée. En combinant ces clefs, le Dr Lemaitre a montré la possibilité d’effacer cent ans de vieillissement et de reprogrammer des cellules de sujets centenaires en cellules souches avec des propriétés identiques à celles présentes aux premiers jours de leur vie embryonnaire2.

Cette découverte apportait une telle révolution conceptuelle que ces scientifiques ont reçu le prix Nobel en 2012, cinq ans après la publication de leurs travaux.

Comme illustré dans le schéma ci-dessous, vous comprenez que ces travaux ouvrent la voie à disposer pour chaque individu d’une source illimitée de cellules souches pluripotentes capables de réparer tissus et organes endommagés ou vieillissants. Cependant, de la levée de ce verrou conceptuel à des applications thérapeutiques sécurisées, la route est longue, nécessitant une série d’améliorations technologiques. Les premiers essais thérapeutiques utilisant ces cellules reprogrammées ont débuté3.

Quel peut être l’intérêt de donner un aperçu de ces recherches à des pratiquants de yoga ? Pour moi la pratique de yoga passe par une perception de notre interconnexion constante avec l’Univers, en particulier avec la multitude des organismes vivant en symbiose avec nous. Rappelons que nous venons de bactéries qui après un long processus d’évolution de 4 milliards d’années ont généré des êtres de plus en plus sophistiqués, dont nous-mêmes. Et les travaux mentionnés ci-dessus nous apprennent que nous avons gardé au coeur de nos cellules ce potentiel d’immortalité qu’ont les bactéries et certains organismes multi-cellulaires. Prendre conscience de ce potentiel, prendre conscience que par notre action quotidienne – activité physique, alimentation, pratique de yoga, méditation, maîtrise du stress – nous pouvons influencer positivement ou négativement des mécanismes sous-jacents à ce potentiel, ne peut que nous renforcer dans la nécessité de prendre du recul, d’approfondir nos connaissances sur cet Univers fantastique, sur la richesse et la fragilité de la vie sur terre. Dans un article récent publié par notre association, Christine Chaput nous montre la profondeur de la connaissance de l’être humain par les yogis. Elle indique « La science des yogis ne nous arrive en occident que de manière très parcellaire, mais cette science expérimentale, subtile et millénaire mériterait un rapprochement avec la science moderne au bénéfice de tous ». C’est ce que notre association essaye de faire à son modeste niveau au travers ces Regards sur la science.

Dans la suite de cet article, je vous donne un bref aperçu d’un livre récent « Guérir la vieillesse » de JM Lemaitre qui fait le point des avancées scientifiques et médicales sur cette thématique. Pour les passionnés, je recommande ce livre complet, érudit. La plupart des chapitres, reprenant des concepts déjà vulgarisés, sont faciles d’abord. D’autres chapitres faisant la synthèse de travaux scientifiques récents sont plus ardus.

Puis profitant d’une série de cours grand public sur la médecine régénératrice que j’avais donnée aux associations de malade à la demande de l’INSERM, j’écrirai cette année quelques articles vous livrant un aperçu simple des principales perpectives thérapeutiques dans ce domaine fascinant. Dans le paragraphe ci-dessous « Pour aller plus loin… », je débute par les cellules qui sont à la source de notre vie, les cellules souches embryonnaires et les cellules souches adultes.

« Guérir la vieillesse ». Jean Marc Lemaitre. Editions HUMENSCIENCES, 2022.

La première partie de ce livre (100 pages) est intitulée « Pourquoi vieillissons-nous ? ».

Le chapitre 1, facile à lire, est une revue des différentes théories du vieillissement, des premiers philosophes/médecins Grecs aux temps contemporains. Il aurait été intéressant de s’ouvrir aux cultures asiatiques ou arabes. Nous y reviendrons probablement dans un autre article. Le chapitre 2, assez complexe pour un profane, explique les mécanismes impliqués dans le vieillissement. Le chapitre 3 résume les avancées récentes pour évaluer l’âge biologique d’un individu, notamment à l’aide de marqueurs récemment identifiés de la plasticité de notre génome. Et vous ne serez pas surpris par ce passage du livre :

En suivant ces marques, une étude pilote de huit semaines, menée sur 43 adultes entre 50 et 72 ans, a montré qu’un style de vie contrôlé (alimentation, sommeil, activité et compléments alimentaires) aboutissait à un âge de 3,2 années plus jeune que celui mesuré huit semaines auparavant, c’est-à-dire avant la mise en place du programme. À l’opposé, la consommation de tabac induit des changements de profil de méthylation des gènes associés aux maladies cardiovasculaires et au cancer.JM Lemaitre, Guérir le vieillesse

Le chapitre 4, de lecture aisée, rappelle qu’une relative immortalité est déjà observée pour des espèces végétales ou animales dans la nature et résume les avancées scientifiques récentes pour en comprendre les mécanismes. Le végétal le plus ancien répertorié à présent est un herbier de posidonie dans les îles Baléares en Méditerranée avec un âge estimé entre 80000 et 200000 ans4.

La partie 2 de 130 pages « Que nous est-il permis d’espérer ? » aborde les perspectives thérapeutiques.

Le chapitre 5, fait une revue des cellules souches adultes puis de l’utilisation potentielle des cellules souches pluripotentes. Je reprends sous une forme abrégée les points essentiels dans le paragraphe ci-dessous « Pour aller plus loin… ». Le chapitre 6, facile à lire, fait l’état des lieux des stratégies pour retarder le vieillissement : entre autres, une activité physique constante, une restriction calorifique. Les milliardaires de la Silicon Valley investissent massivement pour limiter le vieillissement, probablement de façon désintéressée (?). Citons ce passage du livre:

« Le milliardaire américain Peter Thiel, cofondateur de PayPal, se montre très intéressé par la recherche sur le vieillissement. Il a notamment donné 3,5 millions de dollars à la fondation Methuselah (Mathusalem) afin de promouvoir celle-ci. En 2016, il témoignait publiquement de son intérêt pour la parabiose, une technique consistant à relier deux organismes afin d’établir entre eux une seule et même circulation sanguine : « Je ne suis pas convaincu que l’on ait trouvé la panacée qui marche vraiment […] Je regarde du côté de la parabiose, que je trouve très intéressante. Dans les années 1950, on a injecté du plasma issu du sang de souris jeunes dans celui des souris âgées et ils ont trouvé qu’il y avait un effet de rajeunissement massif […] Puis on a laissé tomber ces travaux. Je pense qu’il y a beaucoup de choses qui ont été étrangement inexplorées. »JM Lemaitre. Guérir la vieillesse

Pour aller plus loin…

Au commencement de la vie, des cellules souches totipotentes puis pluripotentes.

Nous provenons tous d’un œuf, résultat de la fécondation d’un ovocyte de notre mère par un spermatozoïde de notre père (jour 0). Cet œuf entame un processus rapide de prolifération et division cellulaire pour générer un embryon précoce de 16-32 cellules au jour 4. A ce stade, cet embryon précoce est composé de cellules souches dites totipotentes, car toutes capables si elles sont implantées dans un utérus de pénétrer la paroi utérine et former un fœtus puis un nouveau-né. Ce sont ces embryons précoces qui sont générés dans les laboratoires de fécondation in vitro en cas d’infertilité.

Après le jour 4, les cellules de l’embryon se spécialisent et perdent leur totipotence. Les cellules extérieures forment une membrane externe qui abrite des cellules souches embryonnaires internes.

Lorsqu’elles sont mises dans des boîtes de culture en laboratoire, ces cellules souches embryonnaires prolifèrent de façon illimitée pendant des années, pour générer des cellules filles identiques à elles mêmes. Si on modifie les conditions de culture, ces cellules souches embryonnaires peuvent générer chacun des 220 types cellulaires constituant notre organisme, y compris les cellules sexuelles. Pour cette raison elles sont appelées cellules souches pluripotentes.

Les premières lignées de cellules souches pluripotentes ont été obtenu chez l’homme en 19985.

Ces recherches sur les cellules souches embryonnaires sont très encadrées par les lois de bioéthique. Les embryons proviennent d’embryons générés dans les laboratoires de fécondation in vitro, après abandon du projet d’enfant et accord des parents. Chaque projet de recherche est autorisé par une agence réglementaire.

Si notre système immunitaire pouvait tolérer que l’on implante dans notre corps des cellules avec un patrimoine génétique différent, nous disposerions ainsi d’une source illimitée de cellules souches, capables de réparer des tissus et organes lésés de notre organisme. Mais notre système immunitaire ne tolère pas que l’on implante des cellules génétiquement différentes.

D’, pour éviter les incompatibilités génétiques, l’énorme intérêt de pouvoir reprogrammer nos propres cellules en cellules souches pluripotentes aux propriétés identiques à celles des souches embryonnaires.

Une quasi immortalité est observée chez certaines espèces de notre planète.

Cette révolution conceptuelle de pouvoir générer pour tout individu une source illimitée de cellules souches pluripotentes n’est pas si surprenante si nous rappelons que la nature a déjà créé des espèces quasiment immortelles (voir Wikipedia). Une petite méduse d’environ 1 cm « Turritopsis dohrnii » est considérée comme immortelle. Cette petite méduse se retrouve en Méditerranée et dans la plupart des océans du globe. Si elle subit une lésion, est malade ou vieillit, elle revient aux premiers stades de sa vie, au stade d’un polype capable de générer toute une colonie de polypes puis de nouvelles méduses, et ceci infiniment.

Un autre animal quasiment immortel est le ver planaire, un petit ver plat aquatique de moins de 4 cm. Si vous le coupez en 279 morceaux, chacun des 279 morceaux répare les parties manquantes pour reconstituer un vers fonctionnel, soit 279 vers. Et vous pouvez répéter l’expérience en partant du même ver planaire pendant 15 ans. L’hydre, petit polype d’eau douce, a les mêmes capacités de régénération. Son nom lui a été donné parce que l’animal, après avoir la tête tranchée, voit une nouvelle tête lui repousser, un peu comme l’hydre de Lerne. N’importe quel fragment du corps comportant quelques centaines de cellules épithéliales peut régénérer l’animal entier. Un petit lézard, la salamandre, a également des capacités de réparation majeure : réparation d’un œil, d’une partie du coeur, d’une patte. D’autres espèces quasiment immortelles sont étudiées de façon approfondie pour comprendre les mécanismes sous jacents. Notamment le rat taupe nu doué d’une longévité exceptionnelle. J’y reviendrai en détail dans un prochain article.

Les mécanismes sous-jacents à cette immortalité/réparation sont proches de ceux trouvés par le Pr Yamanaka pour reprogrammer les cellules d’un individu adulte en cellules souches pluripotentes. Ils reposent sur des cellules souches. En cas de stress/lésion, les cellules adultes de ces espèces se dédifférencient en cellules souches, cellules jeunes capables de proliférer de façon massive et de générer soit des cellules souches filles identiques aux cellules souches mères, soit des cellules faisant fonctionner l’organisme : tube digestif, peau, œil, coeur, etc…

Et même chez des espèces développées comme l’être humain, certains tissus sont en constant renouvellement, grâce aux cellules souches adultes.

Prenons pour exemple notre sang. Les globules blancs de notre sang ne vivent qu’une journée, les plaquettes 7 jours, les globules rouges 120 jours. Chaque jour, un tout petit contingent de cellules souches, dites cellules souches hématopoïétiques, produit 400 milliards de cellules sanguines, soit environ 1 % de l’ensemble des cellules de notre corps !

Ces cellules souches hématopoïétiques sont dans la moelle osseuse. A la différence des cellules souches pluripotentes capables de générer chacun des 220 types de cellules de notre organisme, elles ne génèrent que les 9 types cellulaires présents dans notre sang. Ces cellules souches hématopoïétiques sont largement utilisées en thérapeutique depuis 40 ans (5000 greffes de cellules souches hématopoïétiques chaque année en France, essentiellement en cas de cancer). Et ayant mis en place en 1994 l’unité de thérapie cellulaire pour préparer ces cellules souches hématopoïétiques au CHU de Montpellier, je suis toujours émerveillé 30 ans après que la nature ait créé les mécanismes permettant de remplacer l’ensemble des cellules du sang et du système immunitaire d’un individu de 60 ans avec les cellules souches hématopoïétiques présentes dans le sang de cordon prélevé à la naissance d’un bébé compatible sur un plan génétique. Une vraie cure de jouvence pour les cellules du sang et immunitaires de ces patients !

Les cellules de nos cryptes intestinales sont également en constant renouvellement tous les 5 jours grâce aux cellules souches intestinales, notre peau tous les 21 jours du fait des cellules souches kératinocytaires, notre foie a aussi une grande capacité de réparation. Même nos os sont en constant renouvellement : 25 % de l’os spongieux (extrémité des os) et 5 % de l’os cortical grâce aux cellules souches mésenchymateuses sont renouvelés chaque année. Certains de nos tissus ou organes ne sont cependant quasiment pas renouvelés, les cellules du muscle cardiaque, les cellules des muscles intercostaux, les neurones. Mais ces concepts évoluent. Une étude récente basée sur des méthodes isotopiques et d’imagerie cellulaire a montré que nos organes contiennent une mosaïque de cellules, des cellules jeunes et des cellules très âgées, y compris les cellules des vaisseaux sanguins et du foie ou du pancréas connus comme étant fréquemment renouvelées6.

Alors, si nous avons déjà des cellules souches permettant le renouvellement de nos tissus, pourquoi vieillissons-nous ?

Plusieurs mécanismes élucidés ces 20 dernières années expliquent pourquoi nous vieillissons. Je listerai ici les deux principaux et je reviendrai sur cette question centrale dans un prochain article.

Une première raison est que nos cellules adultes ont une horloge interne – les télomères – limitant leur potentiel de division cellulaire à 50-70 divisions.

Les télomères (télomère provient du grec telos, la fin, et meros, partie = la partie à la fin du chromosome) sont constitués de séquences répétitives aux deux extrémités du chromosome. A chaque division, nos cellules adultes perdent une séquence répétitive télomèrique.

Et en fonction de la longueur des télomères restants, leur rythme de division se ralentit puis s’arrête vers 50-70 divisions (limite de Hayflick). Les cellules rentrent en sénescence et ne prolifèrent plus. Ce mécanisme explique en partie que notre limite d’âge est estimée à 120 ans. A la différence des cellules adultes, les cellules souches embryonnaires ne raccourcissent pas leurs télomères. Elles expriment une enzyme – la télomérase – permettant de resynthétiser les séquences répétitives lorsqu’elles se divisent. De même, la clef de reprogrammation de cellules adultes en cellules souches pluripotentes permet de faire exprimer l’enzyme télomérase qui va resynthétiser les séquences répétitives télomériques manquantes à l’extrémité des chromosomes. Un même mécanisme contribue à la relative immortalité des espèces listées ci-dessous : en cas de lésion ou stress, leurs cellules adultes se dédifférencient en cellules souches exprimant la télomérase. Etant donné l’importance de cette horloge interne contrôlant le nombre de divisions, une réexpression de la télomérase pourrait avoir un intérêt pour rajeunir nos cellules. Une limite est de stimuler la formation de cancers, les cellules tumorales exprimant la télomérase pour pouvoir proliférer. Un extrait de plante, le TA65, issu de la médecine traditionnelle Chinoise stimule l’expression de la télomérase et a des effets bénéfiques chez la souris. Un premier essai thérapeutique chez des patients atteint d’un syndrome métabolique semble montrer des effets bénéfiques. Mais, soyons plus que prudent. Etant donné les convoitises commerciales et enjeux financiers, tout ceci mérite confirmation.

2. Une deuxième raison est que notre génome mute constamment. Chaque cellule subit en moyenne plusieurs centaines de mutations par jour. Ces mutations continues sont essentielles pour créer la diversité de la vie, la diversité des espèces vivantes. Rappelons que nous provenons tous de bactéries qui, par mutations, ont pu se diversifier en espèces pluricellulaires de plus en plus sophistiquées, dont l’être humain. Ces mutations sont induites par des erreurs lors de la réplication ou transcription de notre ADN, par les rayonnements, principalement le soleil, et par des molécules chimiques très réactives produites par nos cellules, principalement les dérivés réactifs de l’oxygène (ROS). Ces ROS à faible concentration sont essentielles pour la vie de nos cellules. En trop fortes concentrations, elles endommagent nos cellules.

Mais la nature a bien conçu notre organisme. Nos cellules possèdent de multiples systèmes de réparation permettant de corriger ces mutations. Si elles ne sont pas corrigées, la grande majorité de ces mutations conduit à une mort cellulaire ou une destruction par notre système immunitaire. Avec l’âge, ces mécanismes de réparation et notre système immunitaire sont moins efficaces entraînant une accumulation de mutations et une moindre capacité à proliférer de nos cellules. Dans certains cas, l’accumulation de ces mutations peut conduire à des cancers.

Cette année, je reviendrai plus en détail sur certains concepts, notamment les théories du vieillissement dans les différentes civilisations, les marqueurs et mécanismes de vieillissement, les applications cliniques de ces cellules souches pluripotentes.

Références

1. Induction of Pluripotent Stem Cells from Adult Human Fibroblasts by Defined Factors. Kazutoshi Takahashi, Koji Tanabe, Mari Ohnuki, Tomoko Ichisaka, Kiichiro Tomoda, Shinya Yamanaka. Cell. 2007 Nov 30;131(5):861-72. Télécharger le pdf.

2. Lapasset L., Milhavet O., Prieur A., Besnard E., Babled A., Aït-Hamou N., Leschik J., Pellestor F., Ramirez J.-M., De Vos J., et al. Rejuvenating senescent and centenarian human cells by reprogramming through the pluripotent state. Genes Dev. 2011;25:2248–2253. Télécharger le pdf.

3. Julia Deinsberger, David Reisinger and Benedikt Weber. Global trends in clinical trials involving pluripotent stem cells: a systematic multi-database analysis. Regenerative Medicine (2020) 5:15. Télécharger le pdf.

4. Sophie Arnaud-Haond, Carlos M. Duarte, Elena Diaz-Almela, Núria Marbà,Tomas Sintes, Ester A. Serrão. Implications of Extreme Life Span in Clonal Organisms: Millenary Clones in Meadows of the Threatened Seagrass Posidonia oceanica. Plos One. February 2012. Télécharger le pdf.

5. Thomson JA, Itskovitz-Eldor J, Shapiro SS, et al. (1998) Embryonic stem cell lines derived from human blastocysts. Science 282: 1145–1147.

6. Rafael Arrojo e Drigo, Varda Lev-Ram, Swati Tyagi, Ranjan Ramachandra, Thomas Deerinck, Eric Bushong, Sebastien Phan, Victoria Orphan, Claude Lechene, Mark H. Ellisman, and Martin W. Hetzer. Age Mosaicism across Multiple Scales in Adult Tissues. Cell Metabolism 30, 343–351, 2019. Télécharger le pdf.

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Le microbiote, cet ami essentiel à notre survie et pour communiquer avec notre environnement.

Un microbiote en bonne santé est le reflet d’un équilibre subtil entre bactéries bénéfiques, neutres, et dangereuses, et tout appauvrissement de cette diversité et équilibre peut conduire à des pathologies.

Bernard Klein, mail :

Nous, pratiquants de yoga, cherchons à ressentir le dialogue avec notre environnement (nos proches, les animaux, la nature, l’Univers). Ce dialogue passe par les organes des sens : vue, ouïe, toucher, odorat, goût. Il passe aussi par une entité moins perceptible mais pourtant essentielle à notre survie, le microbiote.

L’être humain vit avec et grâce à son microbiote, une multitude de microorganismes unicellulaires (essentiellement des bactéries, mais aussi des levures et archées) ou intracellulaires (virus, mycoplasmes) qui tapissent ses muqueuses : le tube digestif, la sphère ORL (bouche, gorge, nez, sinus), les poumons, la peau, la sphère génitale. Plus de 99 % des microorganismes sont localisés dans l’intestin. Ces microorganismes sont les premiers éléments vivants apparus il y a quatre milliards d’années au début du développement de la vie sur notre terre, dans un chaudron de radiations et de molécules hyper-réactives induites par le rayonnement solaire. Au cours du lent (à l’échelle humaine) processus de l’évolution, ces premiers maillons de la vie se sont complexifiés pour donner des organismes pluricellulaires, dont nous mêmes, l’être humain.

Ainsi, venant de microorganismes, nous nous sommes développés avec eux et vivons en symbiose avec certains de ces microorganismes.

Un être humain est constitué de 10000 milliards de cellules et son microbiote intestinal contient 10000 à 100000 milliards de microorganismes, localisés essentiellement dans le gros intestin. Comme le microbiote intestinal est en très grande majorité constitué de bactéries, j’utiliserai ce terme simplificateur dans la suite du texte. Mais notons que, même si ils sont minoritaires, les autres types de microorganismes (levures, archées) ainsi que les virus qui les infectent peuvent jouer un rôle important, notamment dans certaines pathologies.

Notre paroi intestinale est protégée d’un contact direct avec ces bactéries par un gel, le mucus, secrété par des cellules caliciformes intestinales. Le mucus joue une rôle primordial d’échange entre les cellules de la paroi intestinale et les bactéries/microorganismes. Une dégradation de ce mucus peut causer des maladies. Ces bactéries nous sont apportées par notre environnement, dès la naissance par voie vaginale et allaitement par notre mère, par contact avec les membres de notre famille, les animaux, les aliments, les objets que l’on touche. Puis, tout au long de notre vie, nous maintenons ce dialogue permanent avec notre environnement, en partageant notre microbiote.

Tous les jours, nous nourrissons un à deux kilos de bactéries dans notre intestin, réparties en 200-400 espèces différentes. Pour nous remercier, certaines espèces de bactéries intestinales sont bénéfiques:

– secrétant des enzymes pour nous aider à digérer les aliments,

– produisant des molécules nécessaires à notre survie (vitamine K, vitamines B7, B12, certains acides aminés essentiels, …),

– régulant des voies métaboliques (acides gras, calcium, magnésium),

– participant à la production de médiateurs qui stimulent nos organes, dont notre cerveau,

– éduquant nos défenses de l’organisme.

Notre microbiote est couramment appelé « deuxième intestin », « deuxième foie », « deuxième cerveau », « éducateur du système immunitaire ».

Source Wikipedia

La grande majorité des espèces de bactéries sont neutres.

D’autres espèces peuvent être dangereuses mais elles sont tenues à distance de notre mucus et membrane digestive par des bactéries protectrices.

Un microbiote en bonne santé est le reflet d’un équilibre subtil entre bactéries bénéfiques, neutres, et dangereuses, et tout appauvrissement de cette diversité et équilibre peut conduire à des pathologies.

Ces bactéries se renouvellent très vite, avec un temps de division de trente minutes à quelques heures, et sont éliminées en grand nombre chaque jour dans nos selles qui contiennent en permanence 30-50 % de bactéries. Aussi, par nos « choix de vie », environnement, alimentation, hygiène, notre degré de stress, nous contribuons chaque jour à façonner la diversité et richesse de notre microbiote.

La puissance technologique, si elle n’est pas maîtrisée, peut perturber considérablement notre microbiote et altérer la survie de l’espèce humaine : une nourriture peu diversifiée, industrielle, les pesticides, additifs chimiques, un environnement pollué, aseptisé, la surconsommation de médicaments, conduisent très vite à un appauvrissement de la flore intestinale.

A titre d’exemple, les antibiotiques ont permis de réduire considérablement la mortalité humaine. Mais si ils sont utilisés de façon incontrôlée, dans l’alimentation animale ou le traitement non approprié de patients, ils sont susceptibles d’altérer la diversité et richesse de notre microbiote et ceci de façon durable. Cette dérégulation favorise le développement de maladies métaboliques, cancéreuses, inflammatoires, auto immunes, allergiques, neurodégénératives, entre autres. Un intérêt majeur est qu’une restauration d’un microbiote « sain » va aider au traitement, voir conduire à la guérison de ces pathologies.

Si ce rôle majeur du microbiote est maintenant bien reconnu dans nos sociétés, prenons garde aux convoitises commerciales: si vous tapez microbiote dans un moteur de recherche, vous arrivez sur des centaines de pages ou d’articles vantant les vertus de tel régime, supplétif alimentaire pour améliorer votre santé, le plus souvent avec un argumentaire pseudo-scientifique.

Notre pratique du yoga est susceptible d’influencer notre microbiote, en stimulant la motricité des organes digestifs, la sécrétion de mucus et la protection de notre paroi intestinale. Elle renforce le système immunitaire, réduit le stress, stress qui fragilise les bactéries protectrices essentielles pour promouvoir la production de neuromédiateurs stimulant notre vitalité et bien être: dopamine, sérotonine, en autres.

Les maîtres de yoga n’ont pas eu besoin d’une connaissance scientifique du microbiote pour percevoir ce dialogue essentiel qu’il établit entre notre corps et l’environnement, et développer depuis des milliers d’années les concepts et pratiques aidant à renforcer son action symbiotique avec nous mêmes.

Mais en ce début du troisième millénaire, développer les connaissances sur le rôle vital du microbiote me semble essentiel, car celui-ci autrefois préservé, est aujourd’hui fragilisé par notre mode de vie.

Pour aller plus loin.

Si vous souhaitez approfondir cette question, je vous recommande un article de synthèse de l’INSERM, donnant les informations majeures récentes, de même qu’une excellente revue exhaustive dans Wikipedia. Vous avez aussi de très bons livres grands publics. Ces livres sont plus ou moins pédagogues ou détaillés.

Je vous en recommande deux: 1. le livre de Justin et Erica Sonnenburg, «  L’incroyable pouvoir de votre microbiote » est publié aux éditions « J’ai Lu ». P. et E. Sonnenburg sont un couple de scientifiques Américains spécialistes du microbiote. Bien que publié en 2016, ce livre reste parfait car il donne une information de haut niveau, de façon pédagogue et vivante en livrant des anecdotes sur leurs enfants et vie personnelle. 2. J’ai aussi beaucoup apprécié le livre plus récent du Professeur Patrick Hillon, gastroentérologue, « Le microbiote, un ami qui vous protège ? » aux éditions Eyrolles. Les 60 premières pages donnent une très bonne synthèse des connaissances récentes. L’autre partie du livre détaille le rôle majeur d’une détérioration du microbiote dans des maladies fréquentes.

Le mois prochain, j’introduirai un livre pour enfants (mais aussi pour adultes), sous forme de bandes dessinées que mes petits enfants adorent. Puis, au cours de l’année 2024, je résumerai de façon simple des articles scientifiques récents montrant le rôle essentiel du microbiote dans certaines pathologies.

En fin d’année, les pratiquants de yoga de notre association, si ils le souhaitent, auront accès à une connaissance globale de leur microbiote. Vous pourrez alors réfléchir si cette connaissance influence votre pratique du yoga et son impact sur votre microbiote, le dialogue entre vous mêmes et votre environnement.

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Quand nos cerveaux se mettent sur la même longueur d’onde

Une synchronicité de l’activité cérébrale s’établit entre individus vivant une même expérience, entre des enfants et leurs parents, entre un enseignant et ses élèves. Cette synchronicité participe au processus de formation, d’apprentissage, de la réprésentation conjointe de soi et d’autrui, contribue à une socialisation accrue, une synergie de créativité, une conscience partagée.

Bernard Klein, mail :

Quand ma femme et moi nous promenons dans la nature, nous sommes toujours surpris qu’une même réflexion nous vienne au même moment, au gré des paysages, des sons, des odeurs, du souffle du vent. Est-ce un phénomène de pur hasard dû au croisement de la multitude des pensées qui nous traversent? Ou peut-il y avoir une synchronicité de nos deux cerveaux?

Dans ma carrière de chercheur, j’ai souvent constaté l’importance de réfléchir en petit groupe pour développer la créativité et arriver à des concepts nouveaux, parfois inattendus.

Les professeurs de yoga proposent des ateliers à deux ou plusieurs personnes : un échange sur un mot, un thème, un dessin, un regard prolongé face à face, un toucher dos à dos.

Si, de façon intuitive, il nous semble évident que ces pratiques créent une harmonie entre les personnes, un approfondissement de soi, un bien-être, je ne connaissais pas les mécanismes cérébraux sous-jacents, jusqu’à la lecture d’un article de Lisa Barnéoud publié dans la rubrique ” Eclats de sciences ” du journal Mediapart (lisible ci-dessous avec l’autorisation de la rédaction de Mediapart). Une recherche complémentaire m’a fait découvrir d’autres articles passionnants et faciles à lire, dont celui du Pr. Guillaume Dumas, neurobiologiste à l’université de Montréal ou de Lydia Denworth, journaliste scientifique.

Ce n’est que depuis 15 ans que ces mécanismes commencent à être compris grâce au développement des techniques d’enregistrement de l’activité électrique cérébrale et d’imagerie par résonance magnétique permettant de visualiser les zones actives du cerveau. Les chercheurs ont ainsi montré que lorsque des individus sont en interaction, leurs oscillations électriques cérébrales (un indicateur des communications fonctionnelles entre différents types de neurones) se synchronisent, de même que les zones du cerveau activées. Cette synchronicité est observée aussi bien dans les espèces animales socialisées que chez l’homme.

Ainsi, une synchronicité de l’activité cérébrale s’établit entre individus vivant une même expérience, entre des enfants et leurs parents, en particulier par stimulation de l’odorat, entre un enseignant et ses élèves. Cette synchronicité participe au processus de formation, d’apprentissage, de la réprésentation conjointe de soi et d’autrui, contribue à une socialisation accrue, une synergie de créativité, une conscience partagée (voir l’article de Valencia et Froese). Elle est freinée par un état de stress. Certaines formes d’autisme pourraient être dues à une moindre synchronicité.

Un commentaire et deux questions :

1. Les découvertes récentes sur l’évolution confortent l’importance vitale de la socialisation pour le développement des espèces dans un environnement hostile, tout particulièrement de l’espèce humaine intelligente, douée d’une conscience. Dans un article récent de notre site, nous avions résumé des travaux montrant que nos ancêtres ont failli disparaître il y a 900000 ans probablement du fait d’une grande glaciation, passant de 100000 à un millier d’individus. Les chercheurs estiment que ce millier d’individus, précurseurs de l’homme moderne, a pu survivre dans des conditions climatiques très difficiles grâce à une socialisation accrue, un cerveau plus développé. Peut-être nos ancêtres ont ils développé une synchronicité accrue ou plus élaborée de leurs cerveaux pour survivre?

2. Quel peut être l’impact du changement extrêmement rapide et radical de nos modes de socialisation induit par les réseaux sociaux, les mobiles, le télétravail? Question que je me pose quand j’observe des adolescents scotchés à vingt centimètres de leur téléphone plusieurs heures par jour, en communication avec un petit groupe de proches ou un grand nombre d’anonymes. Ce changement radical diminue-t-il les échanges directs et une réflexion synergique entre individus avec la mise en oeuvre de tous nos organes des sens : vue, ouïe, odorat, parole, toucher? Que deviennent ces mécanismes de synchronicité essentiels à l’apprentissage, à l’intelligence collective, longuement sélectionnés par des centaines de milliers d’années d’évolution? Une étude récente donne un début de réponse, en montrant qu’une communication par visioconférence diminue cette synchronicité comparée à une communication en présentiel.

Et maintenant voici l’article de Lisa Barnéoud, rubrique ” Eclats de sciences ” du journal Mediapart, que la rédaction a gentiment accepté de mettre à disposition de nos adhérents.

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Sommes nous seuls dans l’Univers?

Commentaires sur le livre ” Mondes d’ailleurs, Sommes nous seuls dans l’Univers? “ du Pr Xuan Thuan

Bernard Klein, mail :

Quand j’ai la chance de garder mes deux petites filles, je les amène à la tombée de la nuit pour écouter la nature et regarder les étoiles. Nous nous asseyons, elles regardent tranquillement le ciel, me montrent telle ou telle étoile puis s’arrêtent dans un silence contemplatif devant le nombre infini d’étoiles. Tout ceci dans le silence de la nuit agrémenté par quelques bruits d’animaux nocturnes. Une fois je leur ai demandé si elles voyaient les petits enfants de ces étoiles qui les regardaient ce qui a redoublé leur attention silencieuse. La deuxième fois, la plus grande (6 ans) m’a indiqué qu’on lui avait dit qu’il n’y avait pas de petits enfants dans les étoiles et que son grand-père faisait encore des plaisanteries. De jeunes cerveaux fascinés et aspirés par l’infini merveilleux de l’Univers ouvert devant eux rapidement enfermés par les certitudes humaines. Une courte réflexion m’a montré que bien que chercheur de profession supposé être curieux, je n’avais pas beaucoup d’arguments simples à proposer à mes petites filles, hormis l’infinité de l’univers s’ouvrant à nous.

Une recherche rapide m’a fait découvrir le livre “Mondes d’ailleurs, Sommes nous seuls dans l’Univers ?” écrit par le Pr. Trinh Xuan Thuan, astrophysicien vietnamo-américain, professeur à l’université de Virginie (Etats Unis) et moine bouddhiste.

Dans ce remarquable ouvrage de 544 pages, le Pr Xuan Thuan déroule une quête scientifique, quasiment policière, mais également philosophique et spirituelle, pour répondre à la question :

La vie puis la génération d’espèces intelligentes avec une conscience apparues sur la planète Terre sont elles un phénomène unique survenu sur notre planète ou sont elles fréquentes dans l’Univers?

Cette quête l’amène à considérer qu’il pourrait y avoir dans notre galaxie – la Voie Lactée – 10000 espèces intelligentes capables de communiquer avec nous.

L’univers contient des milliers de milliards de milliards d’étoiles, dont notre soleil, et probablement autant de milliers de milliards de milliards de planètes tournant autour de ces étoiles, dont les huit planètes de notre système solaire.

Face à cette immensité difficilement concevable à l’échelle de notre cerveau humain, les lecteurs pressés peuvent aller directement aux pages 388-451 dans lesquelles le Pr. Xuan Thuan synthétise les arguments débattus dans les communautés scientifiques et philosophiques (équation de Drake).

Certains arguments sont maintenant étayés, d’autres spéculatifs.

Citons le Pr Xuan Thuan: « Je crois fermement que, si l’homme est doué de connaissance intellectuelle, s’il est capable de déchiffrer le code cosmique, c’est parce que la conscience n’est pas un heureux hasard de l’évolution du monde, qu’elle n’est pas un simple accident de parcours dans la grande fresque de l’Univers. Comme la vie, elle a été « programmée » dans l’Univers de façon extrêmement précise dès la naissance de ce dernier. L’existence de la conscience n’est pas contingente mais nécessaire, car, dans ma perception, l’Univers n’a de sens que s’il contient une intelligence capable d’appréhender sa beauté, son harmonie et son organisation. »

Il ne me reste plus qu’à résumer ces riches données en mots simples pour convaincre mes petites filles de dire bonjour aux petits enfants présents sur d’autres planètes.

Pour aller plus loin

Reprenons quelques arguments essentiels détaillés dans cet ouvrage.

1. L‘Univers, né il y a 13,8 milliards d’années du big bang, contient des centaines de milliards de galaxies, chaque galaxie étant composée de centaines de milliards d’étoiles et de centaines de milliards d’exoplanètes tournant autour de ces étoiles.

Notre galaxie, La Voie Lactée, contient entre 200 et 400 milliards d’étoiles, dont notre soleil. Depuis l’identification en 1995 de la première planète tournant autour d’une autre étoile que le soleil (elles sont appelées exoplanètes), les astrophysiciens estiment qu’il y a une centaine de milliards d’exoplanètes tournant autour d’étoiles dans La Voie Lactée. Un aspect passionnant de ce livre est de rappeler, de façon rigoureuse mais compréhensible, comment l’intuition humaine a pu imaginer cet univers infini, concevoir les théories pour étayer cette intuition, développer les outils méthodologiques pour démontrer ces théories (notamment les grands télescopes spatiaux), voire infirmer ou relativiser ces théories pour en concevoir de nouvelles.

2. Si l’Univers est infini, il n’y a qu’une centaine d’atomes essentiels composant la matière, dont la matière vivante.

Dès le 19 èm siècle, les scientifiques avaient montré que la matière terrestre est formée d’atomes (table périodique de Mendeleïev). 118 atomes différents sont connus (sans compter les isotopes), dont 94 existent à l’état naturel sur Terre (eux mêmes formés de particules élémentaires non évoquées ici). Mis à part les atomes d’hydrogène et d’hélium, qui ont existé dès le début de l’Univers et constituent l’essentiel de l’Univers, les autres éléments sont fabriqués par des réactions thermonucléaires dans les étoiles. En 2023, les scientifiques estiment que ces 118 atomes identifiés sur la planète Terre sont les éléments essentiels dans l’Univers et suffisent à expliquer les données physiques ou chimiques récentes issues de l’Univers. Est ce surprenant ? Peut être pas si on se rappelle que notre système solaire s’est formé à partir d’un nuage de poussières venant de l’Univers.

3. Les quinze constantes physiques associées aux lois construites pour expliquer la physique sur terre sont réglées avec une extrême précision pour permettre l’émergence et l’expansion de l’univers.

Il est impossible de reproduire en laboratoire la formation et l’expansion de l’Univers. Mais la conception récente de supercalculateurs permet de simuler à l’aide de modèles mathématiques la création et l’expansion de l’univers. Une quinzaine de constantes physiques ont été imaginées depuis 340 ans par les scientifiques pour expliquer la physique terrestre. Les plus connues, la gravité (illustrée par le poids de objets attirés par la terre), la vitesse de la lumière, la charge électrique élémentaire des électrons et protons, ect… Et ces simulations mathématiques montrent que ces constantes physiques sont réglées avec une infime précision pour permettre l’émergence et l’expansion de l’univers, la création d’étoiles et de planètes, et la création de la vie. Une infime variation de ces constantes empêcherait la formation ou l’expansion de l’univers. La seule combinaison gagnante est celle identifiée pour expliquer la physique terrestre.

4. Les briques nécessaires pour construire la matière vivante (les acides aminés et les 5 acides nucléiques) sont détectées dans des astéroïdes provenant de la voie Lactée et sont faciles à construire dans des milieux hyper-réactifs (fortes radiations, chaleur extrême, atomes hyper-réactifs) reproduisant ceux des jeunes planètes.

5. Les premières formes de vie sont apparues très tôt – il y a 4 milliards d’années – sur notre planète Terre, qui s’est formée il y a 4,5 milliards d’années. Au début, notre jeune planète était soumise à des bombardements d’astéroïdes, une très forte chaleur, des rayonnements puissants rendant impossible toute forme de vie. Mais, dès que les conditions physiques se sont améliorées il y a 4 milliards d’années, un enrichissement en 12C, signature de la vie, dans des roches datant de cette époque montre que la vie est apparue très vite, dans une période de 50 millions d’années, ce qui suggère que la survenue de la vie n’est pas si compliquée, tout au moins sur notre planète.

6. La vie sur terre peut exister dans des conditions extrêmes de très forte température ou pression, conditions qui régnaient au début de notre planète.

7. L’eau liquide est nécessaire à la vie sur terre. Et les données s’accumulent montrant la présence actuelle de grandes quantités d’eau liquide souterraine sur des lunes de Jupiter et Saturne de notre système solaire, ou la présence il y a plusieurs milliards d’années d’eau liquide à la surface de Mars.

Les conditions d’émergence de la vie sont donc réunies sur d’autres planètes (ou lunes tournant autour de planètes) de notre système solaire et probablement une multitude d’exoplanètes de notre galaxie.

D’ou les intenses efforts pour envoyer des robots sur Mars ou ces lunes pour prélever des carottes profondes et trouver des preuves de vie extra terreste.

Un autre grand projet (SETI, Search for Extra-Terrestrial Intelligence) est de détecter des signaux électro magnétiques émis par une espèce extra terrestre intelligente qui disposerait des technologies pour émettre ces signaux. Pour saisir la difficulté de ce projet, il faut rappeler que sur les 4 milliards d’années d’émergence de la vie sur terre, les 500 000 ans d’émergence d’espèces intelligente, ce n’est que dans les 100 dernières années que l’espèce humaine a été capable d’envoyer des signaux électro magnétiques.

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Une autre voie d’exploration de l’esprit

Christine Chaput

France Inter diffuse le dimanche une série d”émissions intitulée ‘L’inconscient’ et je souhaiterais souligner cette diffusée le dimanche 12 novembre 2023

Cliquez ci-dessous pour écouter le podcast

Voyage Au Bout de l’Inconscient avec les Psychédéliques

En 27 mn, nous partons au coeur de recherches médicales récentes en neurosciences, concernant l’utilisation curative des psychédéliques (qui révèlent l’âme). Cette utilisation est souvent contestée, mais elle est encadrée médicalement dans cette étude utilisant des techniques puissantes d’imagerie cérébrale. Cette émission rapporte le témoignage d’une patiente médecin, affectée par une dépression extrême, résistante aux traitements conventionnels. La patiente nous racontre sa plongée dans l’inconnu de l’esprit, dont elle est revenue autre, en une prise. Elle témoigne comment cette thérapeutique expérimentale a transformé radicalement sa vie, sa paix intérieure, par cette expérience de dissolution de l’ego, par le contact avec la ‘joie’, celle dont le yoga nous rapproche. 

Cette émission se termine par une citation

Si les portes de la perception étaient dégagées, chaque chose apparaitrait à l’homme pour ce qu’elle est, infinie.

William Blake

Les yoga-sutras ne nous mettent-ils pas sur la piste au IV-1,

” les pouvoirs sont innés ou engendrés par l’utilisation de plantes, de mantras, etc…”

Yoga sutras IV-1

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Pourquoi des Regards sur la Science sur le site ifym.fr?

Bernard Klein, mail :

Bernard Klein

Dans les dix dernières années de ma carrière de chercheur, la pratique du yoga a libéré mon intuition, développé mon humilité, ma prise de conscience des dogmatismes ambiants. Elle m’a conduit à l’exploration de nouvelles voies interdisciplinaires, en réflexion synergique avec mes collègues. Passée une première phase d’assimilation, certaines découvertes scientifiques m’invitent à la rêverie, méditation, font vibrer en moi des mécanismes profonds, ce qui induit en retour un regard renouvelé sur ces découvertes. La science m’éveille vers une entité supérieure d’une fascinante subtilité. Une voie d’éveil parmi de multiples voies d’éveil du quotidien comme l’observation de la nature, une œuvre artistique, une relation, un travail, la maladie… Sans ignorer que la science lorsque quelques uns se l’approprient peut devenir une discipline froide, source de domination et de profit, au détriment de tous et de notre planète. Mais cette contradiction ne réside-t-elle pas dans toute discipline, y compris l’enseignement du yoga, souvent devenu du « yoga business » ?

C’est cette vision que je souhaiterai partager au travers de ces regards sur la Science.

Notre infiniment petite place dans l’Univers

Rêvons un peu et voyageons dans l’Univers grâce aux découvertes scientifiques récentes.

Deux cents milliards de galaxies dans l’univers. Dans notre galaxie la Voie Lactée, plus de deux cents milliards d’étoiles dont notre soleil. Et autour de certaines de ces étoiles, plus de cent millards de planètes dont les huit planètes de notre système solaire.

Si cet univers nous semble déjà infini, rappelons que nous n’en avons appréhendé qu’une toute petite partie. Pour construire cet univers immense, et créer la vie sur terre, on ne peut qu’être surpris que seule une centaine d’atomes sont nécessaires pour générer une telle diversité, l’essentiel de ces atomes ayant été identifié sur notre planète terre le siècle dernier.

Une question cruciale se pose à nous, humains: une espèce intelligente, comme la notre, capable de déchiffrer l’univers est elle unique ou fréquente ? Les scientifiques estiment qu’il y aurait dix mille espèces intelligentes capables de communiquer dans notre voie Lactée.

Citons cette réflexion du Pr Xuan Thuan, astrophysicien et moine bouddhiste :

« Je crois fermement que, si l’homme est doué de connaissance intellectuelle, s’il est capable de déchiffrer le code cosmique, c’est parce que la conscience n’est pas un heureux hasard de l’évolution du monde, qu’elle n’est pas un simple accident de parcours dans la grande fresque de l’Univers. Comme la vie, elle a été « programmée » dans l’Univers de façon extrêmement précise dès la naissance de ce dernier. L’existence de la conscience n’est pas contingente mais nécessaire, car, dans ma perception, l’Univers n’a de sens que s’il contient une intelligence capable d’appréhender sa beauté, son harmonie et son organisation. »

Pr Xuan Thuan, Mondes d’ailleurs

Que nous apporte la science?

Si l’être humain a eu conscience très tôt de l’immensité et de la beauté de l’univers, c’est grâce à la science que nous commençons à identifier la multitude des mécanismes impliqués dans l’évolution de l’Univers, dans le monde vivant, de l’infiniment petit à l’infiniment grand. L’être humain est régi par ces mêmes mécanismes. « Nous sommes tous poussières d’étoiles » nous dit Hubert Reeves. Nous naissons et nous nous développons en symbiose avec l’environnement, qui nous façonne et que nous façonnons constamment. C’est le dérèglement de l’orchestration fine de ces mécanismes qui est à l’oeuvre, lorsque nous sommes confrontés à une maladie, à des difficultés sociales, psychologiques, matérielles. Aussi, un aperçu même partiel de ces mécanismes peut nous permettre de sortir de nos entraves, replacer nos difficultés dans la diversité du monde vivant, l’immensité de l’Univers.

Ce n’est pas simple…

Les mécanismes régissant l’Univers et le Vivant sont d’une grande complexité et diversité à l’échelle de la compréhension d’un cerveau humain. Aussi la science s’est divisée en disciplines et sous-disciplines, chaque spécialiste travaillant en profondeur dans sa sous-discipline. Cette grande complexité et diversité fait que la science est dans les mains de sachants, chacun délivrant un message limité par ses connaissances, par sa subjectivité. La pandémie Covid en est une parfaite illustration, divers spécialistes envahissant les médias pour délivrer des messages contradictoires, du fait de leurs connaissances limitées, de leur ego.

Ce n’est pas simple mais peut-on avancer ?

Peut-on donner des regards simplifiés mais non déformés, de découvertes récentes de ces mécanismes, de façon neutre, avec un minimum de subjectivité ? Sachant qu’elles ne seront jamais définitives. C’est ce que nous souhaitons initier dans cette rubrique “Regards sur la Science”. A chaque lecteur de recevoir ces regards, de voir, sentir comment ils résonnent avec les mécanismes faisant partie de lui-même, de son environnement.

Bernard Klein

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Les ancêtres de l’espèce humaine ont-ils failli disparaître il y a 900000 ans, du fait de contraintes climatiques ?

Bernard Klein, mail :

Une étude1 publiée en septembre 2023 dans la prestigieuse revue scientifique « Science » suggère une réduction massive de 98,7% de la population d’un de nos ancêtres précoces entre -‑ 930000 et ‑ 813000 années, passant d’une population de 100000 à 1280 individus. Cette réduction massive coïncide avec la période de grande glaciation (‑ 900000 ans), a duré 117000 années, avec un fort risque d’extinction de notre ancêtre. Les chercheurs estiment que cette réduction a entraîné une perte de deux tiers de la diversité génétique et a probablement façonné des caractéristiques majeures de l’homme moderne, dont la taille du cerveau. Cette réduction massive pourrait expliquer l’extrême rareté de fossiles d’hominines trouvés entre ‑ 950000 et ‑ 650000 années. Puis la population de nos ancêtres a rapidement augmenté, probablement du fait d’améliorations climatiques selon les auteurs de l’étude.

Comme vous pourrez le lire ci-dessous “Pour en savoir plus”, cette étude souligne que notre génome actuel a gardé en mémoire le long processus d’évolution de nos ancêtres, tout au moins sur un million d’années. L’originalité de cette étude est d’avoir trouvé les clefs pour déchiffrer cette mémoire.

Cependant, il faut souligner que ces récentes données spectaculaires sont discutées, et c’est bien normal. Notamment, dans un commentaire publié dans cette même revue Science3, deux scientifiques appellent à relativiser ces données qui doivent être confirmées par d’autres approches scientifiques, tout en rappelant qu’une période de grande fragilité de nos ancêtres il y a 1,1 million d’années a déjà été suggérée. Ils soulignent que ce millier de survivants a dû occuper un territoire très limité afin de maintenir suffisamment de cohésion sociale pour survivre.

Dans le paragraphe ci-dessous “Pour en savoir plus”, nous rappelons les étapes essentielles de l’apparition de l’espèce humaine. Puis nous expliquons comment l’intelligence humaine et la démarche scientifique ont pu remonter l’évolution humaine sur un million d’années avec une telle précision, alors que très peu de fossiles sont accessibles.

“Pour en savoir plus”.

Quelques rappels (voir référence 2 pour plus de détail). La divergence entre chimpanzés et premiers ancêtres de l’espèce humaine a commencé il y a 6-7 millions d’années: Sahelanthropus tchadensis, ‑ 7 millions d’années (Ma), Ardipithecus ramidus (‑ 4,4 Ma), Australopithèque (‑ 4,2 à ‑ 1 Ma), Homo habilis (‑ 2,4 à ‑ 1,6 Ma), Homo erectus (‑ 1,9 Ma à ‑ 140000 ans) dont est issu Homo sapiens (‑ 300000 ans à maintenant), mais également de quatre autres lignées qui se sont éteintes: Homo heidelbergensis (‑ 700000 à ‑ 200000 ans), Homo rhodesiensis (‑ 300000 à ‑ 125000 ans), Homo neanderthalensis (‑ 400000 à ‑ 40000 ans) et Homo denisovensis (‑ 400000 à ‑ 40000 ans). L’étude de Science suggère que cette réduction massive de 98,3% de nos ancêtres, survenue entre ‑ 950000 et ‑ 650000 années a permis l’émergence de l’ancêtre commun à Homo sapiens, Homo neanderthalensis et Homo denisovensis.

Comment ces scientifiques ont-ils procédé pour remonter le temps sur un million d’années? La méthode repose sur le décryptage complet du génome humain (2003), la conception par l’industrie de séquenceurs haut débit à moindre coût, ce qui a permis de séquencer complètement le génome de 3154 êtres humains contemporains, dont les données sont accessibles au travers de grands consortiums internationaux. Le génome de nos tout premiers ancêtres est de mauvaise qualité et peu exploitable. Aussi, c’est en utilisant des modèles mathématiques innovants et sophistiqués de génétique de l’évolution (Fast Infinitesimal Time Coalescent Process) que ces scientifiques ont pu remonter dans le temps la filiation des variations génétiques à partir des génomes contemporains. Les auteurs se sont focalisés sur la partie non codante du génome (98-99% de nos trois milliards de paires de base), moins sujette aux mutations rapides que la partie codante. En se basant sur des travaux scientifiques antérieurs, ils ont retenu un taux de mutation de nucléotide de 1,2 x 10-8 par durée de vie de 26 ans d’un individu. Et à partir de la diversité contemporaine d’une séquence génomique donnée, ils ont ainsi modélisé une remontée dans le temps pour retrouver la séquence ancestrale et sa diversité à diverses périodes.

1. Genomic inference of a severe human bottleneck during the Early to Middle Pleistocene transition. Wangjie Hu, Ziqian Hao, Pengyuan Du, Fabio Di Vincenzo, Giorgio Manzi, Jialong Cui, Yun-Xin Fu, Yi-Hsuan Pan, Haipeng Li. Science. 2023 Sep;381(6661):979-984. Lien html.

2. Histoire évolutive de la lignée humaine. Wikipedia

3. Did our ancestors nearly die out? Nick Ashton, Chris Stringer. Science. 2023 Sep;381(6661):947-948. Lien html.

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